Nous autres marxistes sommes contre l’interdiction de la burqa, car il s’agit d’une attaque raciste de la droite envers l’islam. Les femmes musulmanes font figure de marginales, ce qui divise la classe ouvrière et masque les contradictions de classes.

Le 7 mars prochain aura lieu la votation sur l’initiative de la dissimulation du visage, qui a pour objet l’interdiction de la dissimulation du visage dans les lieux publics. Dans les faits, et politiquement parlant, il s’agit plutôt de l’interdiction de la burqa et du niqab, lesquels sont des voiles dans la confession musulmane qui recouvrent tout le visage jusqu’aux yeux. Pareilles interdictions existent d’ores et déjà, par exemple en Autriche, France, Belgique, Danemark et dans les cantons du Tessin et de Saint Gall. A présent, il s’agit de voter si oui ou non le port public de la burqa devrait être interdit à l’échelle de la Suisse.

Une campagne de l’UDC pour diviser la classe ouvrière

L’initiative a été lancée par le comité d’Egerkingen qui appartient à l’UDC. On y a employé des arguments tels que « la burqa n’a rien à faire en Suisse, ici on montre son visage » ou prétexté la menace de la sécurité nationale et de l’islamisation de la Suisse. En outre, la burqa fait fréquemment office de symbole de l’oppression des femmes. Cela n’est pas faux en soi. Reste que la libération et l’égalité des femmes n’ont jamais été au programme de l’UDC, ce qui montre le caractère hypocrite de la démarche. Sans compter qu’il n’existe en Suisse pratiquement aucune femme qui porte la burqa.

Le but de l’initiative n’est donc pas le changement de constitution en lui-même. Il a plutôt trait au message d’inimitié islamiste qui se cache derrière, ce afin de s’éloigner des sujets politiques plus importants et de diviser la classe ouvrière.

Il s’agit clairement d’une attaque de la droite contre les musulmanes qui portent la burqa et, partant, contre l’islam et la communauté musulmane. On invoque la menace que constitueraient la burqa et l’islam tout entier à l’encontre de l’unité nationale de la Suisse et de ses valeurs supposément communes. Les musulmanes font figure d’étrangères, comme si elles étaient opposées aux Suissesses. Cette opposition entre l’islam et la Suisse ne profite pas seulement à la classe capitaliste ; elle permet surtout d’occulter les véritables contradictions de classes. C’est là que se trouve le but principal de cette division : le tracé d’une ligne de conflit artificielle entre les travailleurs Suisses et les travailleurs musulmans. Ainsi, on oublie les véritables ennemis des travailleurs Suisses (et de tous les autres) – les capitalistes.

Il n’existe qu’une seule véritable ligne de conflit : la frontière des classes. Celle-ci se situe entre les capitalistes et la classe ouvrière. La disparité et la division entre les travailleurs Suisses et les travailleurs musulmans affaiblissent l’unité de toute la classe ouvrière. Ainsi, la classe capitaliste se renforce et la classe ouvrière, qui se concentre sur des conflits intérieurs, ne se bat pas et se retrouve désunie face à la classe capitaliste.

Pourquoi nous autres marxistes sommes contre l’interdiction de la burqa

Nous autres marxistes sommes contre toute forme d’oppression des femmes. Ainsi, nous sommes également contre le fait qu’une femme soit forcée de s’habiller d’une manière qui ne lui convient pas. Chaque être humain devrait avoir le droit de décider de la manière dont il veut s’habiller. Or, ce n’est pas avec une interdiction qu’on y parvient. De toute façon, l’initiative ne porte pas vraiment sur cette question. Cela montre le double caractère raciste de l’initiative sur la dissimulation du visage. Il ne viendrait pas à l’esprit de l’UDC d’élargir de telles interdictions à d’autres vêtements qu’on porte contre son gré, ne serait-ce que par exemple le règlement vestimentaire au bureau. Cela met nettement en lumière le caractère agressif et hypocrite de l’interdiction prévue. L’essence de l’initiative n’est pas de combattre une oppression. Elle vise plutôt à répandre la haine contre les musulmans. Et de cette façon, on ne vient en aide à aucune femme musulmane.

Il est possible que des musulmanes portent la burqa de leur plein gré, animées par des convictions religieuses fortes. Si nous nous positionnons contre l’interdiction de la burqa, cela ne signifie pas que nous soutenons ou approuvons de telles pratiques religieuses. En tant que marxistes, nous sommes athées. Mais nous savons aussi que les pratiques religieuses ne disparaissent pas en combattant les êtres humains et leurs croyances. Il faut s’attaquer aux fondements même de la religion. Et ces fondements, nous les voyons dans les sociétés de classes et dans la misère que de telles sociétés traînent avec elles. Notre but principal est l’union de la classe ouvrière pour qu’elle dépasse la misère du capitalisme. Afin de lutter ensemble, les opprimés doivent avancer de manière unifiée. Pour ce faire, peu importent la religion à laquelle on appartient, ses croyances et ce que l’on porte en soi. La question n’est donc pas d’interdire ou non les pratiques religieuses. Ce dont il s’agit ici, c’est de l’unité de la classe ouvrière dans son combat commun contre le capitalisme.

Madlaina Jost

Association marxiste de l’Université de Berne

CC: Wikimedia commons